02-AVR-2006
[
cet
article a été
publié pour la première fois le 07JAN05 sur la Liste]
1 Une roue c’est
compliquée : géométrie de la
suspension
Avez-vous déjà
bien observé une
roue arrière (=AR) ? Sur un bras
oscillant ? A cause
du débattement
de la suspension, la roue monte et descend lorsque la moto se
déplace. La roue
est au bout d’un bras qui pivote. La trajectoire du centre de
la
roue si on la
regarde en étant sur la moto (ou à
côté si
celle-ci est à l’arrêt) est un arc
de cercle. Presque toujours, la position
d’équilibre du
bras oscillant est
inclinée « en
descendant » vers la roue AR.
Plus la roue remonte, plus le
bras oscillant se rapproche de l’horizontale. Bien souvent,
le
bras
« passe » la position horizontale
pour finalement
s’incliner dans
l’autre sens. Vu depuis l’axe du bras, dans la
direction
horizontale (pour les
matheux : en faisant une projection orthogonale des points sur
le
sol) le
centre de la roue AR s’éloigne de plus en plus de
l’axe du bras au fur et à
mesure que la suspension s’écrase. Cela
jusqu’à ce que le bras soit horizontal.
Si la suspension s’enfonce davantage, le centre de la roue
s’approche à nouveau
de l’axe du bras oscillant.
Bref l’axe de la roue AR
recule
et avance par rapport à la moto lorsque la suspension
travaille.
Mais pendant
ce temps, le pneu AR est en contact avec le sol…Donc quand
l’axe de la roue
s’éloigne de la moto – imaginez bien le
truc –
la roue est obligée de tourner
dans le sens inverse de celui qui la fait avancer ! Passer
l’horizontale,
quand l’axe de la roue AR s’approche à
nouveau, la
roue se met à tourner dans
l’autre sens (le bon).
Puis lorsque la suspension fait
revenir le bras oscillant vers sa position initiale, tout
s’inverse à nouveau.
Si vous poussez suffisamment fort sur l’arrière
d’une moto, vous pourrez
observer la roue AR aller et venir, si, si, il faut me croire.
Pour résumer, la suspension
fait
faire à la roue AR de petits mouvements parasites parce que
la
roue se roule et
se déroule sur le sol pendant le débattement de
la
suspension.
2 Une roue c’est
compliquée : mouvements à cause de la
transmission
La plupart d’entre nous ont
sans
doute eu dans leur vie une moto à transmission secondaire
par
chaîne. Alors
rappelons nous notre bonne vieille moto japonaise. Toute le monde voit
le
pignon de sortie de boîte, la chaîne et la couronne
sur la
roue AR.
Pour simplifier, imaginons que
l’axe du pignon de sortie de boîte et
l’axe de
rotation du bras oscillant sont
confondus. Imaginons le pignon à
l’arrêt. Faites
pivoter mentalement le bras
autour de son axe. La chaîne s’enroule resp. se
déroule sur le pignon et elle
se déroule resp. s’enroule sur la couronne. Cela
provoque
une rotation de la
roue AR, si, si il faut encore me croire.
Encore une fois faire pivoter le
bras oscillant dans un sens provoque la rotation de la roue AR dans un
sens et
inversement : lorsque la suspension revient dans sa position
de
base, la
roue va tourner dans l’autre sens. Encore une sorte de
mouvement
parasite.
3 Une roue c’est
compliquée : la vraie vie
L’axe du pignon de sortie de
boîte n’est jamais confondu avec l’axe de
rotation du
bras oscillant. On tente
toujours de les rapprocher au maximum. Ce décalage amplifie
les
mouvements
décrits au paragraphe 2 (et oblige à avoir du mou
dans la
chaîne ce qui crée
aussi de grosses contraintes dans cette dernière).
Pour une transmission
acatène,
c’est exactement la même chose pour ce qui concerne
le
résultat final (avec
l’analogie que le décalage entre pignon et bras
oscillant
est le décalage qui
existe entre l’axe du joint de cardan de notre Paralever et
l’axe de rotation
dudit bras oscillant).
Les mouvements parasites
décrits
aux paragraphes 1 et 2 se superposent bien entendu. Dans certaines
configurations, ils peuvent s’additionner ou se soustraire,
mais
ne s’annulent
quasiment jamais et le résultat varie en permanence selon
l’enfoncement de la
suspension.
Fort heureusement, les mouvements
de la roue AR sont de très faible amplitude, quelques
centimètres au maximum.
Avec la force motrice, on continue malgré tout à
réussir à avancer. En 1
seconde, la roue a parcouru PLUSIEURS mètres alors que la
suspension a peut-être
fait UN mouvement de va-et-vient. Au final la roue voulait avancer de
2 m
et le mouvement parasite l’a fait reculer de 2 cm.
On a
encore pu se
déplacer de 1.98 m tout de même.
4 Mais c’est le caillon ce
truc ! ! !
Oui. A chaque instant où on
tire
sur la roue AR pour faire avancer la moto, et comme la suspension
travaille, la
roue AR veut faire reculer ou avancer davantage notre Titinne.
5 Retour à nos moutons
On se doute très bien que ce
dialogue de sourds entre sortie des organes moteurs et roue AR induit
de
grosses contraintes mécaniques. Et les contraintes,
c’est
jamais bon.
Qu’est ce qu’on fait
dans de
pareils cas ? Tout juste : on fait appel à
un
conciliateur. En
mécanique, on va s’efforcer d’introduire
une
certaine souplesse entre les deux
belligérants afin "d’arrondir les angles".
Les anciens qui avaient une
japonaise : vous avez déjà vu ce
qu’il y a
derrière la couronne ? Eh
oui ces fameux morceaux de caoutchouc (en forme de part de
tarte/galette ;
j’ai eu deux fois la fève cette semaine) qui se
tassent
toujours trop vite sur
certains modèles (on le sent bien alors car il y a des
à-coups). Ils forment
une liaison élastique entre la couronne et la roue AR.
Sur notre Titinne, la liaison
élastique est réalisée dans
l’arbre de
transmission qui lie la sortie de la
boîte à la transmission finale (le
« pont »). Cet arbre est
constitué
de deux tubes coaxiaux qui sont liés par du caoutchouc
vulcanisé entre lesdits
deux tubes. Après c’est pompeusement
baptisé
amortisseur de vibration de
torsion mais sa raison d’être, c’est
l’existence des mouvements parasites de la
roue AR et la volonté de préserver un temps soit
peu la
mécanique.
6 Pourquoi lubrifier les
cannelures de l’arbre de transmission ?
Ouf on y arrive. Le fameux mou dans
la chaîne à cause du décalage a son
homologue chez
les @RTistes. L’arbre de
transmission doit avoir une longueur variable selon la position du bras
oscillant [Dieu merci, c’est enfin fini avec la transmission
des
R1200 GS
etc : les gars de Münich ont enfin aligné
axe de bras
oscillant et axe de
joint de cardan en sortie de boîte : si
j’ai rien
compris aux
présentations de presse, merci de me corriger pour ceux qui
savent].
Comment est résolu ce
problème ? De façon fort classique en
mécanique, avec un arbre cannelé. En
gros l’entrée et la sortie de l’arbre de
transmission sont liés en rotation,
mais peuvent avoir un mouvement de translation qui leur permet de
s’éloigner et
de se rapprocher dans une certaine mesure. Les deux pièces
coulissent
longitudinalement l’une dans l’autre mais avec des
formes
prismatiques qui
empêchent toute rotation.
Les cannelures donnent à
l’arbre
une section d’étoile à branches
(très)
multiples. Une forme complémentaire
femelle reçoit l’arbre et voilà.
Ça coulisse
mais ça ne tourne pas. Les
multiples branches permettent d’augmenter les surfaces en
contact
afin de
diminuer / mieux répartir les contraintes.
Je vous rappelle un lien vers une
photo.
Bon maintenant on a parlé de
mouvements parasites mais il y a aussi toute la puissance de la moto
qui passe
par là : presque 300 kg à
tracter +
l’@RTistes, on accélère, il faut
mettre toute cette masse en mouvement…
7 « Le jeu c’est l’art de la
Mécanique » (JMT)
Pour réussir à
monter les deux
parties de l’arbre de transmission et aussi permettre le
libre
mouvement, la
liaison doit obligatoirement avoir du jeu, faible peut-être
mais
existant.
Lors des mouvements parasites de
la roue, le jeu dans les cannelures est rattrapé
d’un
côté puis de l’autre.
Cela provoque un martèlement des flancs des cannelures
mâles contre les flancs
des cannelures femelles.
De plus lorsque les cannelures
sont complètement pressées d’un
côté,
les deux pièces doivent encore coulisser
(car la suspension travaille plus ou moins en permanence, donc le bras
oscillant pivote donc les parties de l’arbre coulissent). On
se
retrouve donc
avec des surfaces métalliques pressées les unes
contre
les autres et qu’on
force à se frotter.
Evidemment à la longue cela
ne
peut pas bien se passer et les pièces doivent
s’user.
D’accord les matériaux
sont sans doute top qualité et bien choisis pour un travail
commun optimal. La
liaison est lubrifié avec des graisses pas possibles.
Oui mais d’un autre
côté en
admettant que le bras oscille avec une amplitude plus ou moins grande
environ
toutes les secondes, au bout de 30 000 km, cela fait
tout de
même un
sacré paquet de chocs et de va-et-vient pour ces pauvres
cannelures. Personne
n’est éternel. Y a t-il encore de la graisse
à cet
endroit ? Et puis, plus
le jeu va augmenter, plus les chocs vont être importants,
etc.
L’usure croit
alors très rapidement.
J’éprouve le besoin
d’aller voir.
Voilà vous savez finalement pourquoi je casse les pieds avec
la
lubrification
des cannelures… Et aussi pourquoi il peut y avoir de
l’usure à cet endroit.
Il y a encore des liaisons par
cannelures ailleurs sur Titinne mais celles-ci ne doivent travailler
qu’avec
chocs et sans translation / mouvement relatif
-
arbre
d’entrée de boîte : le
mouvement de translation
du
disque d’embrayage est de très faible amplitude
- arbre de sortie de boîte : pas de translation du
tout
-
arbre
d’entrée de la transmission finale : pas
de
translation du tout
Je pense que je dois me donner au
moins la peine de surveiller l’arbre de transmission. Cela
peut
se faire sans
trop de démontage. Il
« suffit » de tomber
la transmission finale.
[...]
i4, somnifèrement vôtre