La K1 selon Manfred Brune


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    Si vous possédez la RMT 90.2 cette moto doit vous dire quelquechose. Elle est en photo sur la dernière page de la revue, photo pas très réussie ne la mettant pas vraiment en valeur.

       Lors de l'achat du magazine m'ayant permis de faire l'article 50000 km en K1, j'ai dû acheter tout un lot de magazines. Parmi eux, le numéro 2 de MOTORRAD du 05-JAN-1991. Celui-ci contient un article de présentation de cette moto.

    Afin que celle-ci ne tombe pas dans l'oubli, je me propose à nouveau de vous en faire une traduction très fidèle à l'article d'origine. Les parties provenant de l'article sont en italique car je n' ai rien changé même s'il y a des erreurs grossières visibles. Par contre, mes commentaires seront faits dans cette syntaxe et parfois placés [entre crochets].




    Manfred Brune [prononcer "Brouneuh"] veut transformer la BMW K1 en véritable sportive en lui offrant un cadre tubulaire très rigide.

    Que peut-il arriver de mieux à un constructeur de motos que d'en vendre beaucoup? En tout cas BMW ne peut pas se plaindre d'un manque de demande pour ses deux top modèles K1 et K100 RS 4V. Il s'en est vendu 2286 exemplaires en Allemagne jusqu'à la fin d'octobre 1990 dont un quart seulement de K1. Peut-on en conclure que la K1 est un super haut de gamme? A Teigte en Westphalie où il officie, Manfred Brune ne le pense pas. Son opinion est que la K1 n'est absolument pas une super sportive. "La K1 a des faiblesses côté partie-cycle. Les éléments de suspension sont trop "spongieux" et la garde au sol est trop faible dans le sinueux. L'esthétique ne plait pas à tous non plus".

    Ce dynamique vendeur de motos de la région de Munster avait commencé à importer des cadres de la société française Martin il y a sept ans. A l'époque lorsque les cadres des motos de série laissaient encore beaucoup à désirer, c'était une sage décision [commerciale]. Martin jouissait d'une bonne réputation car ses parties-cycles étaient très rigides et qu'elles avaient une finition  sans reproche. Entre temps, il n'y a plus grand chose à améliorer sur les parties-cycles de la plupart des constructeurs japonais.

    Selon Manfred Brune "Une cure générale n'est aujourd'hui rentable que sur les modèles quatre cylindres de chez BMW". Entre temps notre Westphalien est passé du rang d'importateur Martin à celui de constructeur de parties-cycles. "Nous avons conçu la partie-cycle des modèles BMW K100 et K1 que nous commercialisons". Mais comme il n'a trouvé personne en Allemagne qui travaille aussi proprement que Martin, il y laisse à présent sous-traiter ses cadres. Afin de limiter l'envol des coûts de "sa" K1, Brune utilise le groupe motopropulseur BMW au complet incluant les roues, la fourche téléscopique, les freins et l'injection. Cela n'a pas toujours été le cas. Sur le modèle K100 Brune, dont environ vingt modèles ont été produits, on était revenu aux carburateurs.


La série et le sur-mesure.


    Brune monte le moteur de la K1 de façon rigide dans le chassis tubulaire qui flatte l'oeil par la régularité maniaque de ses cordons de brasure. Goussets sur la colonne de direction, ancrage du combiné ressort-amnortisseur ou du moteur, tout est brasé avec une propreté clinique même là où le regard ne porte pas forcément. Les larges tubes droits en acier au chrome molybdène dont est exclusivement constitué le cadre sont particulièrement mis en valeur lorsque l'on choisit en option de les faire nickeler et polir, option dont était pourvue notre machine d'essai. Alors que le monobras et les roues sont directement issus de la série, les éléments de suspension et d'amortissement s'en distinguent fortement. Bien que la fourche pu être conservée après une minitieuse mise au point de sa détente et une diminution de 15 mm de sa précontrainte, le combiné ressort-amortisseur fut déclaré irrécupérable et remplacé par un élément White Power. Mis au point pour la K1 Brune, celui-ci possède en plus du réglage de la précontrainte, un choix à douze niveaux de la détente. En option il est possible d'équiper le combiné d'un réservoir séparé et d'un réglage à sept niveaux de l'amortissement. Les guidons bracelets, les supports de carénage et les platines repose-pieds en aluminium pourvues de commandes montées sur roulements à billes ont été fabriqués dans le propre atelier de Brune.


Freins, roues et fourche issus de la série.                  Platine repose-pied taillée dans la masse.


    Les fixations du réservoir et du carénage sont très bien pensées. On peut déshabiller la Brune en quelques tours de main sans qu'il y ait besoin de chercher les vis et tout autre quincaillerie tombées au sol comme c'est le cas sur la K1 de série. Il en va de même pour le capot de selle qui se laisse déposer en quelques secondes grâce à des fixations rapides issues de la compétition et qui découvre ainsi une place suffisante pour le passager. Malgré la conception sportive sans compromis de la K1 Brune, le passager trouvera encore un confort suffisant pour faire face aux longs trajets sans souffrir le martyre. Après les premiers mètres sur les routes étroites et abîmées du Sud de la France, le message est claire: "oublie tout ce que tu sais au sujet des BMW". En effet le comportement du noble cadre n'a presque plus rien de commun avec celui de la K1 de série. Les grosses dénivellations sont avalées avec légèreté, sans aucune tentative de dévier de la trajectoire imposée par le pilote.

    Le confort souffre cependant un peu de la fourche réglée plus dure. Le combiné plus raide ne prend pas soin des lombaires ainsi que le fait aussi la selle peu rembourrée. Du point de vue confort, la K1 Brune en offre moins que la version issue de l'usine de Berlin; par contre grâce au poids plus faible, elle est plus maniable et plus précise et ce malgré une chasse plus grande. Les guidons-bracelets placés bas en combinaison avec les cale-pieds hauts perchés procurent des sensations de machine de course. Le pilote est très penché vers l'avant ce qui est pénible à la longue en conduite sur route, en particulier pour les petits gabarits.

    Brune n'a pu éliminer un des points les plus critiqués de la BMW K1. Au contraire: les fortes vibrations du quatre cylindres à refroidissement liquide se ressentent encore plus dans le nouveau chassis. En tout cas, elles prennent de telles proportions dans la plage des mi-régimes qu'elles peuvent rapidement devenir insupportables. A partir de 7000 tr/min [mi-régime?], les guidons-bracelets provoquent des douleurs dans les paumes. Les masselottes en bout de guidon n'ont qu'une action très limitée. MOTORRAD n'a pu essayé de modèle avec un vilbrequin finement équilibré afin de voir si cela diminuait le phénomène, option proposée par Brune à 306.78 EUR [600 DM à Euro constant].


Remarquez le vase d'expansion de la K100 RS 4V.


    Celui qui veut s'approcher sans risque des limites de la Brune doit aller tâter de la piste, dans notre cas sur le circuit de Ledenon. La K1 Brune fut au préalable chaussée de Dunlop Sportmax, pneumatiques ayant fait bonne impression sur la K1 de l'essai longue durée MOTORRAD. Après quelques tours de chauffe, la détente a été tournée du quatrième au septième cran car le réglage route s'avéra trop souple. Sur les portions rapides, l'arrière dodelina un peu. Ce qui s'annonçait sur route se confirma sur la piste. La K1 Brune est une réelle super sportive. La partie-cycle et les freins sont plus à l'aise sur piste que sur route. Le système Brembo d'origine, équipé de durites aviation provoquant une sensation de levier extrêmement dur, se montra plus que convainquant. Difficile à battre tant en efficacité qu'en dosabilité, le système d'origine ne perd qu'insensiblement en performance même après 15 tours menés en conditions extrêmes.

    Les temps au tour étaient impressionnants. Avec 1'47" la machine n'avait que deux secondes de retard sur les Yamaha 1000 FZR et Suzuki 1100 qu'elle pourchassait le même jour sur le sinueux tracé du Sud de la France. Et cela bien que le moteur de la K1 ne soit pas aussi rempli à mi-régime que celui des Japonaises. La partie-cycle n'a pas à avoir honte lors de telles confrontations. C'est un véritable rail. Sur des pistes au revêtement changeant et avec des saignées transversales qui mettent à mal même certaines motos de course, la K1 Brune ne dévie pas de la trajectoire imposée par le pilote. Bien que les techniciesn de Brune aient fait de l'excellent travail sur la fourche de série, on souhaiterait y disposer d'un réglage afin d'exploiter au mieux les qualités de la partie-cycle.


Beaux cordons bien réguliers, finition nickelée et polie, gousset de renfort: du bel ouvrage on vous dit!


    Les réserves dont disposent ce chassis sont également illustrées par l'homologation accordée par le TÜV [contrôle technique et homologation: sorte de service des Mines allemand] qui accepte jusqu'à 150 CV, des fois que notre régional de Munster ait en tête de vouloir monter un turbo [de marque] Stütz comme il l'avait essayé sur une K100. La modification de la K1 selon Brune n'est pas très bon marché. Ainsi s'ajoute au kit de base à 5061.79 EUR [9900 DM] des frais supplémentaires pour la peinture, la modification du radiateur, le kit pour l'utilisation de la fourche de série, les clignotants, les feux à hauteur de 1278.23 EUR [2500 DM]. Il n'y a pas vraiment de limite vers le haut. Selon son humeur ou ses moyens, le client pourra choisir parmi un vaste choix de systèmes de freinage, de fourches, de combinés ressort-amortisseur et d'échappements homologués. Fait remarquable: la société Brune rachète selon l'état les pièces restantes de la K1 de série pour environ 2045.17 EUR [4000 DM]. Si l'on veut acheter directement un modèle comme celui de l'article, il en coûtera 15236.50 EUR [29800 DM].

    L'un dans l'autre, la K1 Brune laisse une impression positive même si Manfred Brune n'est pas responsable des faiblesses du moteur de la K1. Brune a fait du bon boulot dont pourraient s'inspirer les techniciens de chez BMW. Enfin des fois que ceux-ci veuillent orienter leur K1 vers un créneau plus sportif.

    Mon impression: bien que les Béhèmistes purs et durs puissent en sourire, moi elle m'a convaincu cette machine. Manfed Brune peut être fier de ce qu'il a réalisé. La partie-cycle de cette K1 Brune ne peut prêter le flanc à la critique. Précise et hyper stable, elle domine la route et ses courbes de toutes sortes tout en donnant au pilote une impression de conduite sécurisante et souveraine. Manabilité, stabilité en courbe et précision de la direction finissent de convaincre. Le point faible est le moteur de la K1 avec ses vibrations insupportables et son manque de puissance à mi-régime. On ne peut qu'espérer que BMW résolve vite ce problème si souvent discuté, avant qu'un autre, "amateur", le fasse.


Mes commentaires




    La fiche technique n'est qu'une reprise de celle de la K1. On y note cependant quelques détails forts interessants pour nous les historiens.

- diamètre de braquage 7600 mm. A comparer aux théoriques et camionesques 6123 mm de la K1

- poids en ordre de marche (tous pleins faits) 244 kg. A comparer aux 258 à 264 kg annoncés à l'origine

- répartition des masses 50/50%. Parfait. Reste à savoir si c'est avec ou sans pilote. A comparer avec les 46/54% de la K1 tous pleins faits avec un pilote de 75 kg

- volume du réservoir (réserve) 24 (4) L. Encore mieux que les 22 L de la K1 dont seulement 19 sont exploitables sur la version de série

- changement du filtre à huile tous les 15000 km. Ne fait que confirmer ce qu'on trouve parfois dans la littérature. Cette périodicité fut vite ramenée à 7500 km par BMW

- huile SAE 20W-50. Apparemment la viscosité la plus adaptée au moteur, au moins selon Brune

- bougies Bosch X6DC ou Beru 12-5 DU avec écartement de 0.6 à 0.7 mm. D'abord une erreur (X5DC) mais surtout une confirmation que d'origine ce furent bien des bougies sans résistance qui étaient préconiséés. Préconisation modifiée (XR5DC) par soucis de rationalisation lors de la sortie des K1100

- jeu aux soupapes 0.13 (ADM) / 0.23 (ECH). Soit une erreur (0.20-0.25/0.25-0.30) ou un petit truc pour sortir un maximum de puissance. Attention, perte de souplesse, instabilité du ralenti

- Vmax environ 230 km/h. Moins aérodynamique la bougresse...

- accélération (avec passager). A comparer avec la K1 de l'essai longue durée
    0-100 km/h      4.3 (5.3) s   4.4 s
    0-160 km/h      9.7 (11.5) s   10.0 s
    0-400 m           12.3 (13.2) s   12.5 s
    0-1000 m         23.8 (24.8) s   23.6 s

- écart du compteur (affichage/réel) 50/49, 80/74, 100/92 et 130/121 km/h. Plutôt normal

- consommations mini 4.8 l/100 km, maxi 9.6 l/100 km, moyenne de l'essai 7.2 l/100 km. Eh ben mes salauds, on s'est fait plaise...

- consommation d'huile non mesurable sur la durée de l'essai. Normal


ADDENDUM

    Dans la revue allemande MO Sonderheft BMW Motorräder N°16 (JAN-MAR-2006), un article fut également consacré à Brune. Il livre quelques détails et photos supplémentaires.


V'là Manfred.


    En vrac...
- Brune fit construire en tout 50 cadres. Il lui en resterait 10 de nos jours.
- certains des 40 cadres ont été équipés du moteur de la K1100.
- le journaliste se plaint du dégagment de chaleur du moteur. Ce serait encore pire que sur la K normale.
- Brune travaillait comme électrotechnicien avant de se mettre à son compte en 1980 à l'âge de 24 ans.
- le moteur a été déplacé de 15 mm vers la droite dans le cadre (par rapport à la K1): ainsi un client peut, s'il le désire, monter un pneu AR de 180 mm (sur jante PVM bien sûr)
- une (grande) courbe avalée à "fond les ballons" aux alentours de 140 km/h avec la K1 se négocie à "l'aise Blaise" à 160 km/h avec la Brune.
- les modèles les plus récents ont une fourche italienne Forcella et une roue AV de 16".


Le té de fourche supérieur façon teutonne: taillé dans la masse et au style très "Karré".



Idem pour le té inférieur.



Un vrai bouchon utilisé en aviation  faisait fureur dans les années 90.



Sans le dosseret de selle: de quoi se fâcher définitivement avec Madame. Notez l'Öhlins.



On ne se lasse pas de ce travail d'orfèvre.


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